L’équité salariale proactive devrait maintenant se trouver dans le collimateur la plupart des employeurs assujettis à la réglementation fédérale. Le gouvernement du Canada a récemment publié le projet de règlement requis pour pouvoir promulguer la Loi sur l’équité salariale (LES). Une fois dans sa version définitive, ce règlement détaillera la manière dont les employeurs devront s’acquitter de leurs lourdes obligations futures en vertu de la LES. Les intervenants et parties prenantes, dont les employeurs, les employés et les agents négociateurs, peuvent faire part de leurs commentaires sur le projet de règlement jusqu’au 13 janvier 2021. 

La LES établit un régime d’équité salariale proactif pour les employeurs sous réglementation fédérale comptant au moins 10 employés dans les secteurs public et privé. Elle obligera ces employeurs à examiner avec soin leurs pratiques en matière de rémunération en suivant certaines façons prescrites afin de parvenir à l’équité salariale. Le régime actuel fondé sur les plaintes en vertu de l’article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne continuera de s’appliquer aux employeurs sous réglementation fédérale qui comptent moins de 10 employés.

Le gouvernement a indiqué que la LES et son règlement d’application devraient entrer en vigueur dès 2021. Les employeurs comptant au moins 10 employés le jour où la LES entrera en vigueur seront tenus d’élaborer un plan d’équité salariale dans les trois années suivant cette date.

Dans sa version actuelle, le projet de règlement donne les principaux détails sur les obligations prévues par la LES à l’intention des employeurs. Nous les présentons brièvement ci-dessous. 

Exigences relatives à l’affichage

S’il est promulgué, le projet de règlement obligerait les employeurs à faire ce qui suit :

  • S’assurer que les documents relatifs à la LES devant être affichés dans le milieu de travail (p. ex. les ébauches et versions définitives d’un plan d’équité salariale) sont i) sous forme imprimée ou électronique, ii) accessibles à tous les employés concernés et iii) datés.
  • Afficher les ébauches du plan d’équité salariale pendant au moins 60 jours, et le plan final tant et aussi longtemps qu’une version plus récente n’est pas publiée.
  • Afficher les avis d’augmentation de rémunération en vertu d’un plan d’équité salariale jusqu’à la date ultérieure entre les deux dates suivantes : i) le soixantième jour suivant l’affichage de l’avis; ii) le jour du paiement intégral des augmentations annoncées dans l’avis.

Délais relatifs à la présentation des avis et des demandes à la commissaire

Le projet de règlement énonce également les délais suivants pour la présentation de certains avis et demandes à la commissaire à l’équité salariale, comme suit :

  • Les employeurs comptant moins de 100 employés non syndiqués qui choisissent volontairement de constituer un comité d’équité salariale seraient tenus d’aviser d’abord leurs employés, puis, dans un délai de 60 jours, la commissaire.
  • Les employeurs qui désirent échelonner les augmentations de rémunération sur une période d’échelonnement plus longue que celle prévue dans la LES seraient tenus de présenter une demande d’autorisation à la commissaire au plus tard la veille de la date à laquelle ils affichent l’avis concernant les augmentations de rémunération.
  • Les employeurs, les agents négociateurs ou les employés non syndiqués qui désirent présenter une demande à la commissaire en vue d’obtenir l’autorisation d’établir plus d’un plan d’équité salariale pour le même employeur seraient tenus de le faire dans les 12 mois suivant l’assujettissement de l’employeur à la LES. (Rappelons que la LES exige généralement l’établissement d’un plan d’équité salariale pour les activités d’un employeur.)

Comparaison de la rémunération et détermination des augmentations dues

La LES exige que les employeurs élaborent un plan d’équité salariale. De manière générale, cela signifie :

  • Entreprendre un processus d’évaluation des emplois dans le cadre duquel des catégories d’emploi sont répertoriées, la prédominance de genre est établie, puis la valeur du travail de ces catégories d’emploi est définie; 
  • Comparer la rémunération des catégories d’emploi à prédominance féminine à celle des catégories d’emploi à prédominance masculine pour établir s’il existe un écart salarial; et
  • Augmenter la rémunération des catégories d’emploi à prédominance féminine qui sont moins rémunérées que les catégories d’emploi à prédominance masculine de valeur similaire pour du travail de valeur égale afin d’atteindre l’équité salariale.

La LES prescrit les méthodes pouvant servir à comparer la rémunération entre les catégories d’emploi à prédominance masculine et féminine : i) la méthode de la moyenne égale; ou ii) la méthode de la droite égale. Le projet de règlement prévoit le facteur mathématique qui permettrait d’établir avec précision le montant de toute augmentation.

La méthode de la moyenne égale nécessite de faire ce qui suit :

  • Diviser les catégories d’emploi à prédominance masculine et à prédominance féminine en bandes. Une bande est un ensemble de catégories d’emploi de valeur égale ou comparable. 
  • Comparer la rémunération moyenne des catégories d’emploi à prédominance féminine au sein d’une bande avec la rémunération moyenne des catégories d’emploi à prédominance masculine au sein de cette même bande.
  • Augmenter la rémunération des catégories d’emploi à prédominance féminine lorsque la rémunération moyenne de celles-ci dans une bande est inférieure à la rémunération moyenne des catégories d’emploi à prédominance masculine au sein de cette même bande.

Le projet de règlement prévoit le facteur mathématique qui établira la taille de l’augmentation pour chaque catégorie d’emploi à prédominance féminine au sein d’une telle bande et qui assurera qu’elle est proportionnelle à la taille de l’écart salarial pour cette catégorie d’emploi à prédominance féminine.

L’équité salariale est atteinte au moyen de cette méthode lorsque chacune des moyennes comparées arrive à égalité après application des augmentations pour équité salariale.

La méthode de la droite égale consiste à faire ce qui suit :

  • Utiliser l’analyse statistique pour créer des droites de régression. Plus simplement, cela consiste à créer une droite salariale des femmes et une droite salariale des hommes, chacune représentant la relation entre les valeurs des catégories d’emploi et leurs taux horaires de rémunération.
  • Augmenter la rémunération des catégories d’emploi à prédominance féminine lorsque la droite salariale des femmes se trouve sous la droite salariale des hommes.

Le projet de règlement prévoit une formule pour cette méthode également. L’application de la formule assurerait que les catégories d’emploi à prédominance féminine les plus éloignées de la droite salariale des hommes pour une valeur de travail donnée recevraient une plus grosse augmentation de rémunération.

Avec cette méthode, l’équité salariale est atteinte lorsqu’à la suite des augmentations de rémunération pour les catégories d’emploi à prédominance féminine, les droites coïncident.

Le projet de règlement aborde également la situation où la droite salariale des femmes et la droite salariale des hommes se croisent (ce qui indique que ce ne sont pas toutes les catégories d’emploi à prédominance féminine qui se situent sous la ligne salariale des hommes et qui nécessitent par conséquent des augmentations de rémunération). Si cela se produit, le projet de règlement prévoit des méthodes pouvant être utilisées pour mener à bien la comparaison et déterminer les catégories d’emploi à prédominance féminine qui doivent bénéficier d’ajustements.

Pallier l’absence de comparateur masculin

Sans comparateur masculin approprié, l’équité salariale ne peut être atteinte. Toutefois, si une catégorie d’emploi à prédominance féminine se retrouve sans comparateur masculin, le projet de règlement prévoit que les employeurs ou les comités d’équité salariale seraient généralement tenus d’utiliser l’une des méthodes suivantes pour concevoir un comparateur masculin :

  • Méthode de comparaison externe : L’employeur ou le comité d’équité salariale élaborerait des catégories d’emploi à prédominance masculine d’une organisation externe dans son plan. Cela consisterait à choisir au moins trois catégories d’emploi à prédominance masculine d’un autre employeur ayant des caractéristiques similaires et qui est également assujetti à la LES.
  • Méthode de catégories d’emploi type : Cette méthode est fondée sur des catégories d’emploi à prédominance masculine fictives. L’employeur ou le comité d’équité salariale utiliserait trois catégories d’emploi à prédominance masculine décrites dans l’annexe du projet de règlement.

Lorsqu’un comparateur masculin est trouvé au moyen d’une des méthodes susmentionnées, la rémunération des catégories d’emploi à prédominance féminine peut alors être comparée avec celle des catégories à prédominance masculine.

Mise à jour et maintien des plans d’équité salariale

La LES oblige les employeurs ou les comités d’équité salariale à mettre à jour le plan d’équité salariale au moins tous les cinq ans à compter de la réalisation du plan initial. C’est ce que l’on peut appeler le processus de « maintien ».

Pour mettre à jour leurs plans d’équité salariale, les employeurs (ou les comités d’équité salariale, selon le cas) seraient tenus de faire ce qui suit :

  • recueillir des données chaque année après avoir affiché leurs plans d’équité salariale finaux;
  • analyser les données recueillis par rapport à l’information sur le milieu de travail mise à jour (c.-à-d. les changements touchant les catégories d’emploi, la prédominance de genre, la rémunération et/ou les tâches, les responsabilités et les conditions de travail d’une catégorie d’emploi et les changements pouvant avoir influé sur l’équité salariale);
  • préparer un plan d’équité salariale mis à jour dans les cinq ans suivant la date à laquelle ils ont finalisé leurs plans précédents; et
  • combler les écarts salariaux constatés pendant le processus de maintien en ajustant la rémunération de la catégorie d’emploi à prédominance féminine qui est moins rémunérée que les comparateurs masculins.

Les employeurs seraient tenus de verser des sommes forfaitaires rétroactives à l’égard des écarts salariaux constatés au cours de l’une ou l’autre des cinq années examinées.

À maints égards, cet exercice de maintien oblige essentiellement les employeurs ou les comités d’équité salariale à faire de nouveau l’exercice d’équité salariale prescrit par la LES tous les cinq ans.

Soulignons que pour les milieux de travail syndiqués comportant plusieurs unités de négociation, le projet de règlement prescrit comment régler la question des catégories d’emploi visées par une convention collective non expirée et des catégories d’emploi touchées par un gel prévu par la loi dans l’éventualité où la convention collective est expirée.

À retenir

Les employeurs auraient tout intérêt à examiner avec soin la mesure dans laquelle leur organisation se trouve en bonne ou en mauvaise posture – ou entre les deux – en matière de conformité avec la LES, et de le faire le plus tôt possible. La publication du projet de règlement est signe que le gouvernement va de l’avant avec l’équité salariale dans la sphère fédérale, l’entrée en vigueur de la LES et du règlement finalisé étant prévue en 2021.

Bien qu’il puisse changer, le projet de règlement concorde effectivement avec la nature prescriptive de la LES et avec l’approche proactive en matière d’équité salariale que celle-ci vise à mettre en œuvre. Il est également clair que l’équité salariale en vertu de la LES sera un processus continu pour les employeurs sous réglementation fédérale, tant sur le plan du respect de la réglementation que de l’état de préparation. Pour certaines organisations, se conformer au nouveau régime pourrait nécessiter beaucoup de ressources, engendrer des coûts élevés et comporter des enjeux sur le plan logistique.

Pour donner vos commentaires au gouvernement concernant le projet de règlement, veuillez cliquer ici.

Au fil de la progression du processus réglementaire, nous continuons de répondre aux questions et aux préoccupations des employeurs au sujet de la LES et de son projet de règlement d’application.



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